Sans être une grande révélation, ce film, disons, vaut la peine d’être
vu, tout comme une des rares œuvres québécoises présentées à Cannes ; Valse, un
court métrage réalisé par Martin C. Pariseau et Anthony Martino-Maurice, soit
deux des trois Mile-Endais que je croisais pratiquement chaque jour. Ce
dimanche-là, ils présentaient Valse à la salle 261 du Short Film Corner, à 17
heures. C’était probablement une des plus petites salles du festival. Il y
avait, si je me souviens bien, quatre rangées de trois bancs. Un avantage :
nous pouvons dire qu’ils ont fait salle comble. Chacun des spectateurs ne
semblait pas être là par hasard, mais bien parce qu’il avait été invité par le
trio. Après une brève présentation, un petit problème technique (on a mis le mauvais
film d’abord), Valse commençait. C’est une histoire assez courte ; le film dure
cinq minutes je crois ; un vieil homme tombe amoureux de la serveuse de café,
et un matin, poussé par l’envie d’inviter la serveuse à danser une valse, il
décide de dépoussiérer ses vieilles chaussures, mais au moment de les mettre,
quelque chose d’inattendu se passe : le cordon se rompt dans ses mains. À la
fin du film, je ne savais pas quoi dire, j’aurais aimé donner mon avis sur
telle ou telle chose. Je leur ai dit « bravo ». Ne sachant pas trop s’ils
espéraient mieux de ma part que de simples félicitations. J’aurais aimé avoir
une critique constructive, un point de vue original sur leur film, et les
intéresser à peut-être un jour adapter un de mes scénarios, vu leurs qualités
de réalisateur que je n’espère même pas un jour posséder. Et je quittais la
salle, sans avoir dit grand chose, mais encore titillé par leur choix musical ;
pourquoi avoir choisi un air si connu ? Le genre d’air que l’on reconnaît, mais
dont on ne sait pas le nom du compositeur bien sûr. Le genre d’air qui devient
pratiquement redondant dès la première note, qui rend l’atmosphère tout aussi
noble que quétaine ; un espèce de pince-sans-rire qui, justement, s’adapte au
ton particulier du film.
Et je me suis rendu au Collège, attrapant au passage Saïd qui, bien
costumé, se rendait au théâtre Louis Lumière en espérant dénicher un billet
pour Amour, le film de Michael Haneke. Peu convaincu d’une réussite, je me suis
plutôt rendu à la cafétéria, où l’on servait le repas, me disant que j’irais
voir le film de Thomas Vinterberg, The Hunt, la représentation qui suivait
celle du film de Haneke. Nous disant que Saïd aurait peut-être la chance
d’assister aux deux représentations, nous nous sommes donné rendez-vous dans
la file d’attente de dernière minute ; c’est là une autre façon d’accéder au
théâtre Louis-Lumière sans invitation, quand il reste de la place. Finalement,
mon ami n’a pas pu me rejoindre après le film d’Haneke. J’ai attendu une heure et demie je crois, j’étais le cinq ou le
sixième dans la file de dernière minute. Il pleuvait. Nous étions tous là, bien
habillés, sous la pluie. Je partageai un moment mon parapluie avec un monsieur
dans la cinquantaine, un pianiste de profession, qui a bien dû attraper la
grippe ce soir-là. Il a joué parmi les plus grands orchestres d’Europe avant de
changer de vocation, se consacrant à la musique de film. Il m’a demandé de
quelle façon j’utilisais la musique dans mes propres films, et, lui disant que
je n’en mettais aucune, il m’a répondu que c’était là un réflexe normal de
débutant : « soit ils n’en mettent aucune, soit ils en mettent trop ».
Vers 22 heures, on a retiré les barrières et fait entrer les gens. Les
V.I.P. entraient par un accès tout en face du tapis rouge, tandis que les
autres, qui avaient fait la file, entraient de chaque côté. Et tous montaient
les marches du tapis rouge, vêtus tous aussi chiquement les uns que les autres.
Profitant du moment, des inconnus se prenaient en photo entre eux, et parfois
les photographes prenaient un cliché d’une ravissante personne montant les
célèbres marches. Un écran géant, haut perché, nous montrait les images captées
par les caméras présentes, dont une qui était installée sur une grue mécanique.
Le tout accompagné par le discours d’un commentateur et d’une musique
entraînante. Un moment, à travers les photographes et les parapluies, j’ai pu
filmer Thomas Vinterberg, ne le voyant pas de mes propres yeux, mais à travers
la lentille de mon appareil photo seulement. Lors de la montée des marches du
réalisateur, les violons ont repris l’air que l’on fait jouer avant chaque film
en compétition, et dont j’ai oublié de demander le titre au pianiste qui était
avec moi sous le parapluie. Et nous entendions le commentateur continuer son
discours, voyions les explosions de flash, jusqu’à ce que la montée des marches
soit terminée, et que l’accès donc ne nous soit pas permise.
J’ai secoué mon parapluie et suis rentré tranquillement.
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