7/23/2012

Quatrième jour à Cannes : 20 mai



J’ai bien sûr répété l’expérience du brunch ce dimanche matin, cette fois en compagnie de mon ami Saïd. Le jeune producteur américain s’est assis avec nous. Nous avons parlé un peu de ce que nous avions fait depuis le début du festival, chacun ayant un parcours et des intérêts forts différents. Je prévoyais aller voir Confession of a child of the century, une adaptation du célèbre texte de Musset, avec en tête d’affiche Charlotte Gainsbourg. Même si l’actrice se fait attendre un bon moment avant d’apparaître à l’écran, c’étaient là deux raisons toutes simples pour moi d’y aller. Et ce film m’intéressait aussi puisque j’allais découvrir la réalisatrice Sylvie Verheyde. Disons brièvement que j’ai particulièrement aimé le jeu de Pete Doherty, qui, bien qu’ayant une carrière plus musicale que cinématographique, incarne son rôle avec brio. Et ce si bien que la filiation du rockeur décadent et du poète maudit, débauché, me semble, dans ce cas, inévitable à faire.

Sans être une grande révélation, ce film, disons, vaut la peine d’être vu, tout comme une des rares œuvres québécoises présentées à Cannes ; Valse, un court métrage réalisé par Martin C. Pariseau et Anthony Martino-Maurice, soit deux des trois Mile-Endais que je croisais pratiquement chaque jour. Ce dimanche-là, ils présentaient Valse à la salle 261 du Short Film Corner, à 17 heures. C’était probablement une des plus petites salles du festival. Il y avait, si je me souviens bien, quatre rangées de trois bancs. Un avantage : nous pouvons dire qu’ils ont fait salle comble. Chacun des spectateurs ne semblait pas être là par hasard, mais bien parce qu’il avait été invité par le trio. Après une brève présentation, un petit problème technique (on a mis le mauvais film d’abord), Valse commençait. C’est une histoire assez courte ; le film dure cinq minutes je crois ; un vieil homme tombe amoureux de la serveuse de café, et un matin, poussé par l’envie d’inviter la serveuse à danser une valse, il décide de dépoussiérer ses vieilles chaussures, mais au moment de les mettre, quelque chose d’inattendu se passe : le cordon se rompt dans ses mains. À la fin du film, je ne savais pas quoi dire, j’aurais aimé donner mon avis sur telle ou telle chose. Je leur ai dit « bravo ». Ne sachant pas trop s’ils espéraient mieux de ma part que de simples félicitations. J’aurais aimé avoir une critique constructive, un point de vue original sur leur film, et les intéresser à peut-être un jour adapter un de mes scénarios, vu leurs qualités de réalisateur que je n’espère même pas un jour posséder. Et je quittais la salle, sans avoir dit grand chose, mais encore titillé par leur choix musical ; pourquoi avoir choisi un air si connu ? Le genre d’air que l’on reconnaît, mais dont on ne sait pas le nom du compositeur bien sûr. Le genre d’air qui devient pratiquement redondant dès la première note, qui rend l’atmosphère tout aussi noble que quétaine ; un espèce de pince-sans-rire qui, justement, s’adapte au ton particulier du film.

Et je me suis rendu au Collège, attrapant au passage Saïd qui, bien costumé, se rendait au théâtre Louis Lumière en espérant dénicher un billet pour Amour, le film de Michael Haneke. Peu convaincu d’une réussite, je me suis plutôt rendu à la cafétéria, où l’on servait le repas, me disant que j’irais voir le film de Thomas Vinterberg, The Hunt, la représentation qui suivait celle du film de Haneke. Nous disant que Saïd aurait peut-être la chance d’assister aux deux représentations, nous nous sommes donné rendez-vous dans la file d’attente de dernière minute ; c’est là une autre façon d’accéder au théâtre Louis-Lumière sans invitation, quand il reste de la place. Finalement, mon ami n’a pas pu me rejoindre après le film d’Haneke. J’ai attendu une heure et demie je crois, j’étais le cinq ou le sixième dans la file de dernière minute. Il pleuvait. Nous étions tous là, bien habillés, sous la pluie. Je partageai un moment mon parapluie avec un monsieur dans la cinquantaine, un pianiste de profession, qui a bien dû attraper la grippe ce soir-là. Il a joué parmi les plus grands orchestres d’Europe avant de changer de vocation, se consacrant à la musique de film. Il m’a demandé de quelle façon j’utilisais la musique dans mes propres films, et, lui disant que je n’en mettais aucune, il m’a répondu que c’était là un réflexe normal de débutant : « soit ils n’en mettent aucune, soit ils en mettent trop ».

Vers 22 heures, on a retiré les barrières et fait entrer les gens. Les V.I.P. entraient par un accès tout en face du tapis rouge, tandis que les autres, qui avaient fait la file, entraient de chaque côté. Et tous montaient les marches du tapis rouge, vêtus tous aussi chiquement les uns que les autres. Profitant du moment, des inconnus se prenaient en photo entre eux, et parfois les photographes prenaient un cliché d’une ravissante personne montant les célèbres marches. Un écran géant, haut perché, nous montrait les images captées par les caméras présentes, dont une qui était installée sur une grue mécanique. Le tout accompagné par le discours d’un commentateur et d’une musique entraînante. Un moment, à travers les photographes et les parapluies, j’ai pu filmer Thomas Vinterberg, ne le voyant pas de mes propres yeux, mais à travers la lentille de mon appareil photo seulement. Lors de la montée des marches du réalisateur, les violons ont repris l’air que l’on fait jouer avant chaque film en compétition, et dont j’ai oublié de demander le titre au pianiste qui était avec moi sous le parapluie. Et nous entendions le commentateur continuer son discours, voyions les explosions de flash, jusqu’à ce que la montée des marches soit terminée, et que l’accès donc ne nous soit pas permise.

J’ai secoué mon parapluie et suis rentré tranquillement.



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